Le Voisin (16)

Episode précédent : Le Voisin (15)

Samedi 3 décembre

Il faut que je sois prudent, extrêmement prudent. Le pendentif en forme de chauve-souris n’est plus là où je l’avais rangé. Craignant quelque sortilège, je l’avais placé dans une boîte en fer sous l’évier, hors de ma vue. Il me mettait en effet très mal à l’aise. Or, ce matin, je me suis levé avec un point au creux de l’estomac, la peur au ventre. Mystérieusement attiré vers la cuisine, j’ai ouvert le placard, à la recherche de la funeste petite boîte. Elle était toujours là, mais son contenu s’était évaporé. Comme par magie… noire, assurément. Je sens que les prochaines nuits vont être peu reposantes.

Lundi 5 décembre

Je n’ai pas dormi depuis deux jours. Je sursaute au moindre bruit. Suis-je en train de devenir fou ? Marcherais-je dans les pas du gnome ? Il faut absolument que je me confie à quelqu’un, sinon je vais exploser. Je connais peu de gens, ici, mais il faut vraiment que je prévienne mes semblables qu’un danger informe nous menace, qu’il est là, à nos portes, sur nos paliers. Au moins qu’une personne de cet immeuble soit alertée. Il me semble que le voisin du quatrième pourrait entendre ce que j’ai à dire. Nous nous sommes souvent parlé, dans l’escalier ou dans l’entrée de l’immeuble. Il est très sympathique, cordial, posé. Nous avons, en outre, plusieurs points communs. J’ai appris, fortuitement, que nous étions nés le même jour, et la même année, ce qui est plus rare. Il vit seul. Et, dernière « coïncidence » : il est écrivain et journaliste. Cela ne fait que confirmer une intime conviction : il est l’allié dont j’ai besoin. Je vais tenter de l’approcher discrètement, sans l’effrayer.

Mardi 20 décembre

J’ai plus de mal que prévu à faire réellement connaissance avec mon voisin, Jean-Luc. Se pourrait-il que, malgré tous mes efforts, je l’indispose ? Bien que je passe – à dessein – un temps considérable dans les parties communes de l’immeuble, je ne l’ai vu que six fois en dix jours. Je me suis contenté de le saluer, essayant ensuite d’engager la conversation sur les nouvelles du jour ou tout sujet susceptible de créer un contact entre nous. A chaque fois, il s’est montré aimable, mais je n’ai pas senti de sa part une volonté de pousser plus loin nos relations de voisinage. Mon air fatigué y est certainement pour quelque chose. Je dois avoir une mine peu engageante, en ce moment. Je transpire la peur et l’insomnie par tous les pores de ma peau. Rien d’étonnant à ce que je fasse fuir les gens. Même ma boulangère me regarde de travers. Je n’y peux pourtant rien. Je porte un tel poids sur mes épaules. Si seulement je pouvais me délester  d’une infime part de ce fardeau…

C’est dans cette optique que, dès vendredi matin, j’ai décidé d’embrayer et de donner un sérieux coup d’accélérateur à mon plan. A présent, j’essaie de le rencontrer au moins une fois par jour. Je suppose qu’il commence à se douter de quelque chose. Peut-être croit-il que je le drague ? Il faudra que je dissipe tout malentendu dans les semaines qui viennent. Mais n’est-ce pas un peu tôt pour le mettre dans la confidence ? Je pense qu’il n’est pas encore prêt à accepter la terrible vérité dont je préfère – pour l’instant – différer la révélation.

A suivre…


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